TADJIKISTAN


ON A FRANCHI LE MASSIF DES PAMIRS !

C'est où, c'est quoi ?

Le Tadjikistan est un tout petit pays, très montagneux, entre le Kirghizistan, l'Ouzbékistan, l'Afghanistan et la Chine. Plus de 90%du territoire tadjik est constitué de montagnes, dont la moitié dépasse allègrement les 3000. Du fait de son altitude notamment, c'est une des contrées les plus reculées du monde. 


Le Pamir est un massif montagneux, centré sur le Tadjikistan avec des prolongements en Afghanistan, en Chine et au Kirghizistan. Il possède plusieurs sommets de plus de 7 000 mètres,  ce qui a valu au massif le qualificatif de « toit du monde ». Les vallées glaciaires et hauts plateaux qui le constituent sont soumis à des conditions climatiques extrêmes. Le Pamir est ainsi l'une des régions qui abritent le plus de glaciers en dehors des pôles. Le Pamir tadjik à longtemps été une région totalement interdite aux étrangers, à cause des conflits tout autour. 


La Pamir Highway ou M41 est une route mythique chez les voyageurs. Et par Highway, il faut bien comprendre "high" et non autoroute ! Deuxième plus haute route du monde, elle relie Dushanbe, la capitale tadjike, au Kirghizistan et traverse de vastes plateaux désertiques, des paysages lunaires et des cols plutôt impressionnants. 


Ces précisions apportées, attention ça va être long, avant de commencer la lecture installez vous confortablement avec un bon chaï !

Du no man's land à Karakul : welcome to the moon

Laissant Sary Tash derrière nous, on arrive rapidement au poste frontière kirghize, la route est toute plate, en bon état et il fait beau : magnifique entrée dans le Pamir. 

Il y a du monde au poste frontière, plein de voitures,  en plus ou moins bon état,  du mongol rallye. Eux sont dans le sens de l'entrée vers le Kirghizistan, nous sommes les seuls dans ce sens. 

On fait un peu la queue, mais une fois notre tour venu les formalités sont très rapides et tournent plus autour de l'énumération des joueurs de foot français. On avait prévu de dormir dans le no man's land, juste avant le col faisant office de frontière, pour l'attaquer pas trop tard et avoir le temps de redescendre et ne pas dormir trop haut. On essaie de faire attention à s'acclimater progressivement à l'altitude. On a déjà eu mal à la tête en passant des cols dans l'Himalaya, on fait donc plus attention cette fois ! 


La nuit tombe assez rapidement et on plante notre tente dans une belle prairie entourée de glaciers. La nuit est glaciale, on dort avec toutes nos couches dans nos duvets de compétition, le tout entouré dans les couvertures de survie ! Au matin, malgré le soleil, le ton est donné, toutes nos bouteilles d'eau ont gelé et du givre recouvre la tente et les vélos. Heureusement qu'on est en août !


On part à l'attaque du col (notre premier 4000 à vélo!) sous un ciel bleu magnifique. Le goudron laisse rapidement place à de la piste terreuse. Mais ces dernières semaines au Kirghizistan auront été un bon entraînement. Malgré l'aspect assez technique de certains passages, on gravit ce premier col sans trop de difficultés, ressentant à peine les effets de l'altitude. La frontière tadjike est réputée pour être assez cool à passer, mais lorsqu'on arrive c'est le branle bas de combat, tous les militaires gesticulent et hurlent "bakchich bakchich". Ah, c'est pas trop le moment... on attend sagement et les bras ballants que notre tour vienne, jusqu'à ce qu'un militaire en ait assez de nous voir là, tamponne nos passeports et nous ouvre la frontière d'où nous basculons au Tadjikistan.


Bivouac dans le no man's land
Bivouac dans le no man's land
Le ton est donné, il va faire froid !
Le ton est donné, il va faire froid !
Frontière tadjike, 4282m
Frontière tadjike, 4282m
Et de l'autre côté de la frontière...
Et de l'autre côté de la frontière...
Bienvenue au pays des yacks !
Bienvenue au pays des yacks !

Le paysage est presque irréel. Des montagnes désertiques sculptées par l'érosion et sinon, l'infini mineral. Aucune trace de vie à des kilomètres sur un immense plateau. On se croirait sur la lune !

On essaie d'avancer, tant bien que mal sur la tôle ondulée, et surtout on s'arrête toutes les 5 minutes pour prendre des photos. On y est ! On en avait tellement parlé et entendu parler du Pamir, c'est une drôle de sensation d'y être en vrai, c'est tellement plus impressionnant que sur les photos ! Et surtout d'y être à vélo, on est tous les deux, tout seuls et surtout tout petits.


Le vent est bel et bien là, déchaîné, épouvantable et face à nous. On nous avait prévenu qu'il était particulièrement fort l'après midi et le soir. Alors, on pose rapidement notre tente pour se lever tôt le lendemain, avant le vent. Ce 1er bivouac tadjik est une véritable lutte contre le vent, qui s'engouffre dans la toile et arrache nos sardines. La tente s'envole cent fois et le campement finira hyper sécurisé, avec des pierres partout.


Au matin, on est presque surpris par le calme, le vent ne s'est effectivement pas levé. On retrouve une route asphaltée et on progresse alors plutôt rapidement à travers des paysages tout aussi lunaires, irréels et magnifiques. 

La frontière chinoise est juste à côté (barbelés sur la droite)
La frontière chinoise est juste à côté (barbelés sur la droite)
On a roulé sur la lune!!
On a roulé sur la lune!!
La route est asphaltée par portions, mais complètement déchiquetée par les températures extrêmes..
La route est asphaltée par portions, mais complètement déchiquetée par les températures extrêmes..
Belle tôle ondulée et belles montagnes
Belle tôle ondulée et belles montagnes
Pause contemplation tous les cent mètres..!
Pause contemplation tous les cent mètres..!
Bivouac hyper sécurisé avec toutes les pierres à la ronde.
Bivouac hyper sécurisé avec toutes les pierres à la ronde.
Quel silence le matin.. Rien, sinon le crissement des roues.
Quel silence le matin.. Rien, sinon le crissement des roues.

De Karakul à Murghab, avec les marmottes

Après un second col, on découvre le lac Karakul, apparemment formé suite à la chute d'une météorite. D'un bleu turquoise éclatant, il ressort encore plus au milieu de ces montagnes désertiques et des sommets enneigés. La descente nous mène dans un vaste désert de sable, sous un soleil magnifique. Mais on n'essaie pas d'enlever nos polaires, il fait un froid sec et glacial ! Dans ce désert, les seules traces de vie que nous apercevons sont les marmottes, qui nous accompagneront tout au long de notre route dans ces montagnes. On dit que la marmotte siffle, on a compris pourquoi ! Leurs sifflements nous font souvent sursauter, comme si les flics avaient surgi de nulle part ! 


Le vent se lève alors que nous commençons à apercevoir le village Karakul, bordant le lac du même nom. On a beau être en descente sur une route parfaite, ça n'avance pas ! Le souvenir de ce village, au bout d'une route toute droite, mais semblant ne jamais se rapprocher restera longtemps !

C'est après une dépense d'énergie incroyable, pour si peu de distance que l'on arrive complètement épuisés à Karakul, village complètement isolé, perdu au milieu de ce désert. On se demande comment des gens peuvent vivre ici, près d'un lac salé, dans le froid, sous un soleil qui te brûle la peau sans te réchauffer, dans le vent et les tempêtes de sable. Les rues sont d'ailleurs désertes et le vent s'y engouffre et siffle avec violence.


Près du puits, on rencontre un petit garçon adorable, qui nous invite chez lui. Et là, sitôt à l'abri du vent, on rentre dans un véritable cocon de douceur, où le calme est revenu, où le poêle réchauffe la pièce, décorée de tapis colorés du sol aux murs, et où la grand-mère chante doucement une berceuse en actionnant le berceau du bébé. On s'est totalement laissés abandonner et bercer également. Nous n'avons pas osé demander à prendre des photos, mais on espère garder longtemps en mémoire ce moment, la douceur et la gentillesse de cette famille, dans cet endroit qui nous a paru si rude

Marmotte, coucou copine !
Marmotte, coucou copine !
Désert et montagnes, on se les pèle !
Désert et montagnes, on se les pèle !
Pause photo pour arrêter de pédaler !
Pause photo pour arrêter de pédaler !
L'arrivée en haut du col
L'arrivée en haut du col
Et la redescente, avec en fond, le lac Karakul
Et la redescente, avec en fond, le lac Karakul
Karakul, ville fantôme
Karakul, ville fantôme
Rue de Karakul..
Rue de Karakul..
Sortie de Karakul, on retrouve le vent..
Sortie de Karakul, on retrouve le vent..
Bonne idée pour se protéger du vent et du soleil en même temps !
Bonne idée pour se protéger du vent et du soleil en même temps !

Le depart est assez difficile. En sortant de Karakul, on retrouve une ligne droite infinie et le vent de face. Le compteur devient un outil de torture mentale. Aucune échappatoire contre le vent, aucun mur, aucun buisson derrière lequel s'abriter, il nous rend fou, même pendant les pauses et son sifflement incessant nous épuise. On se couche exténués. Mais le moral est bon : on est dans le Pamir, on avance et demain nous attend le plus haut col que l'on franchira sans doute jamais à vélo ! 


On arrive en milieu de matinée face au col, l'Ak Baïtal Pass, 4655m. Là, deux voyageurs en sens inverse nous informent que de notre côté la route de la montée est en très mauvais état.. Bon, comme on entend souvent que notre sens est celui de l'enfer sur terre on n'y fait pas trop attention. On retrouve effectivement assez rapidement la tôle ondulée et les cailloux. Mais le vent ne se déchaîne pas sur nous, tout semble donc facile ! On sent quand même que l'oxygène se fait rare et on est parfois obligés de pousser. Finalement le "plus-haut-col-de-notre-vie" passe plutôt bien, on se marre et on est contents. Arrivés en haut on est fiers d'être là, c'est grandiose et superbe, les montagnes que l'on découvre alors de l'autre côté sont de toutes les couleurs et la descente qui nous attend est magnifique ! La route est asphaltée, pas un souffle, les kilomètres défilent et les paysages sont incroyables ! Après les montagnes multicolores, on traverse des pyramides puis c'est enfin l'herbe qui fait son grand retour. On dort le soir près d'un caravanserail abandonné, qui surplombe une rivière et une grande prairie. 


À bout de souffle dans la montée
À bout de souffle dans la montée
Ak Baïtal Pass!! 4655m! Photo de la fierté ultime
Ak Baïtal Pass!! 4655m! Photo de la fierté ultime
Montagnes multicolores de l'autre côté du col
Montagnes multicolores de l'autre côté du col
Et descente à toute allure !
Et descente à toute allure !
Les pyramides, on est toujours au Tajikistan ?
Les pyramides, on est toujours au Tajikistan ?

Le lendemain il nous reste peu de kilomètres jusqu'à Murghab, la prochaine ville. La route est asphaltée et ça ne fait que descendre, on se prépare donc tranquillement à la manière de ceux qui vont rouler pépère. Une simple formalité, avant un plov bien mérité.

On avait presque oublié le vent, qui nous avait laissé du répit la veille, mais se réveille plus déchaîné encore. Nous avançons à 8km/h en descente et à la place du plov on aura surtout mangé du sable pour le déjeuner.


On arrive à Murghab dans l'après-midi. Après le plov tant attendu (et largement mérité !), on fait un tour au bazar pour faire le plein de fruits secs, lentilles et nouilles chinoises. Les échoppes du bazar de Murghab sont toutes faites de vieux containers de récupération rouillés. Autour du bazar des fils électriques dans tous les sens mais il n'y a pas l'électricité, des carcasses de voitures et des groupes électrogènes en morceaux.. Tout ça contribue à donner une atmosphère vraiment étrange à cette ville, qui nous paraît pourtant très animée après Sary Tash et Karakul.

On décide de ne pas dormir à l'hôtel de Murghab et de planter notre tente un peu plus loin. En fait, on se sent assez bien dans notre tente-maison, le seul moment pas trop agréable c'est la toilette express dans l'eau glacée de la rivière ! 

Avant Murghab.
Avant Murghab.
La route traverse un plateau immense
La route traverse un plateau immense
Un peu froid peut-être ?
Un peu froid peut-être ?
Murghab
Murghab

De Murghab à Alichur

Campement 3 étoiles (on n'a pas dormi dans l'herbe en contrebas, remonter son vélo chargé le matin, à cette altitude, ça calme !)
Campement 3 étoiles (on n'a pas dormi dans l'herbe en contrebas, remonter son vélo chargé le matin, à cette altitude, ça calme !)

Dès le lendemain, on retrouve le vent, qui se lève encore plus tôt que d'habitude : il est à peine 11h !

On avait encore un petit col à passer avant d'arriver à Alichur, prochain endroit habité. Et ce petit col nous prendra des heures, on passe presque plus de temps à pousser. Sur le vélo on n'avance pas et on s'épuise encore plus vite..

Une fois le col passé et le plat retrouvé on n'avance pas beaucoup plus vite. Ce jour là on croise d'autres voyageurs à vélo, mais dans le sens inverse. De loin, on les prenait pour des motards tant ils filaient à toute allure, poussés par le vent !


Au moment de chercher un endroit pour poser la tente, on aperçoit par chance quelques yourtes isolées. Une famille d'éleveurs de yacks vit là et nous accueille avec la douceur et la générosité qui nous ont toujours marqué dans cette région. Dans la yourte il fait chaud et ça sent une odeur très particulière et agréable. Pour chauffer, dans ces contrées désertiques, les habitants utilisent comme combustible des bouses de yack séchées. En brûlant elles crépitent et ça sent bon.


On arrive enfin à Alichur, où, fait complètement inespéré, on trouve des barres de céréales à l'abricot, on est super contents ! Il nous en faut peu ! Mais, il va nous falloir des forces pour les prochains jours.

En fait, après Alichur, deux options sont possibles pour rejoindre Khorog, la grande ville du Pamir : la M41 qui continue tout droit jusqu'à Khorog ou le corridor du Wakhan qui fait un détour vers le sud et longe la frontière de l'Afghanistan. La route du Wakhan est réputée pour être, non seulement plus longue, mais surtout plus dure car en très mauvais état. On a d'ailleurs rencontré pas mal de gens qui ont cassé leur vélo sur cette route et qui ont dû finir en louant un 4x4 ! On était donc partis, absolument convaincus de continuer par la M41. Mais, une fois sur place, l'idée d'échapper au vent nous tentait plus que de continuer sur de la bonne route. Et surtout, il y avait une sorte de fascination, chez tous les voyageurs que l'on a rencontrés, à propos de cette vallée. Marco Polo lui-même, en son temps, avait été subjugué.. On a finalement décidé d'aller voir par nous même !

On ne voit presque pas le désespoir face au vent .. Mais on voit quand même les roseaux, complètement pliés eux aussi
On ne voit presque pas le désespoir face au vent .. Mais on voit quand même les roseaux, complètement pliés eux aussi
Heureusement les paysages compensent toutes les difficultés !
Heureusement les paysages compensent toutes les difficultés !
La yourte des éleveurs de yacks, chez qui on a dormi.
La yourte des éleveurs de yacks, chez qui on a dormi.
Les yacks, qui règnent en maître ici.
Les yacks, qui règnent en maître ici.
Dans la yourte, tous les dérivés du yack sont présents : yaourt, beurre, crème, jusqu'aux bouses dans le poêle.
Dans la yourte, tous les dérivés du yack sont présents : yaourt, beurre, crème, jusqu'aux bouses dans le poêle.

Détour vers l'Afghanistan, le corridor du Wakhan.

La vallée du Wakhan est également appelée corridor en raison de son aspect très étiré et fin. C'est une région de l'Afghanistan qui a été instaurée à l'époque du "grand jeu" au 19e siècle pour faire tampon entre les soviétiques en Asie centrale et les britanniques en Inde. 


Pour nous, dès les premiers kilomètres, c'était surtout la fin du vent. Et la tôle ondulée, les cailloux et le sable nous paraissaient vraiment plus agréables !

On a mis plusieurs jours pour arriver à Langar, le premier village de la vallée. On a souvent eu de la (très) mauvaise piste mais cette partie du Wakhan est vraiment celle que l'on aura préférée. Après un col à 4000, on redescend petit à petit dans la vallée, d'où l'on aperçoit l'Afghanistan et les montagnes du Pakistan, dont l'Hindu Kush à 7700m (le nom signifie le tueur des hindous, plutôt impressionnant).


L'Afghanistan est séparé du Tadjikistan par le Pyanj, fleuve faisant office de frontière naturelle entre les deux pays. Parfois l'Afghanistan est assez lointain et parfois à quelques mètres seulement. Le wakhan afghan est une zone très enclavée du pays, très pauvre, mais paisible, à l'abri derrière ces montagnes impressionnantes. Les villages sont très simples et la vie y est surtout rurale. C'est assez étrange d'être là, en face de ce pays, mystérieux, que l'on ne connaît que par de tristes actualités médiatiques. Les afghans que l'on aperçoit de l'autre côté nous saluent toujours avec de grands signes. On a même un échange assez sommaire avec un petit garçon sur son vélo, on lui crie Salam Alaikum , il nous répond en criant lui aussi de toutes ses forces.

Bon, au moins on n'a plus de vent !
Bon, au moins on n'a plus de vent !
Route magnifique du Wakhan
Route magnifique du Wakhan
Au loin, les montagnes du Pakistan.
Au loin, les montagnes du Pakistan.
On continue à redescendre, mais ça n'avance pas vite !
On continue à redescendre, mais ça n'avance pas vite !
Pour la première fois devant nous, l'Afghanistan.
Pour la première fois devant nous, l'Afghanistan.
Une rivière, deux pays.
Une rivière, deux pays.
Hey coucou vous!
Hey coucou vous!
On entend encore sa petite voix, nous crier Salam.
On entend encore sa petite voix, nous crier Salam.

Notre arrivée à Langar est surprenante : après une descente vertigineuse dans le sable et les cailloux, on est agréablement surpris de retrouver la vie et la végétation. Langar est un village vraiment très joli, des petites rivières coulent en cascade et irriguent les jardins, permettant à tous les villageois de cultiver leur propre potager et verger. Les branches des abricotiers ploient sous le poids des fruits. Et tous les jardins sont très fleuris. 


On y restera au moins trois jours, à lire au bord de la rivière dans le jardin de notre homestay. Ces quelques jours sont aussi l'occasion de reprendre des forces et de manger autre chose que des flocons d'avoine et des nouilles chinoises cuites sur le réchaud. Car dans le Pamir, il y a peu de monde et très peu d'épicerie, et celles-ci sont surtout approvisionnees en bonbons, gâteaux et fruits secs. Utiles pour un petit coup de boost, mais toutes ces sucreries ne sont pas vraiment nourrissantes. On avait emporté dans nos sacoches noodles instantanées et flocons d'avoine uniquement; car en cuisinant dans notre casserole retractable, tout en économisant le gaz, nos possibilités culinaires étaient assez limitées. À Langar, les patates et le sarrasin cuisinés par notre hôte étaient alors vraiment réconfortants. 


Arrivée à Langar.
Arrivée à Langar.

Nous étions entrés au Tadjikistan depuis plusieurs jours mais n'avions toujours pas rencontré de tadjiks ! Les rares habitants peuplant le Pamir oriental sont en fait surtout des kirghizes. Dans la vallée du Wakhan, les habitants ne sont pas non plus tadjiks mais pamiris. Ils ont leur propre langue et pratiquent un islam différent du reste du pays. Alors que les Tadjiks sont sunnites, la religion dans les Pamirs est l’ismaélisme, qui est une branche minoritaire de l’islam chiite. Ils n'utilisent pas de mosquées, mais prient dans des maisons de prière, reconnaissables à leur fenêtres colorées. Le long de la route, on croise également plusieurs sanctuaires ismaélites, décorés de cornes de bouquetins Marco Polo. 

La maison pamiri est également particulière et ressemble, de l'extérieur, à un rectangle en terre sans étage et sans fenêtres. À l'intérieur, la pièce principale est constituée de cinq piliers. Le tout est surmonté d'une lucarne qui sert de puits de lumière. Les cinq piliers représentent les cinq membres de la famille de l'imam Ali (Ali, Fatima, le prophète Mahomet et les deux fils). Aux murs, sont souvent suspendus des tapis et des photographies de l'Aga Khan.

L'Aga Khan est le chef spirituel des ismaelites, un peu comme le pape pour les catholiques. C'est un millionaire qui vit en Suisse et qui est vraiment vénéré comme un dieu vivant. Il faut dire qu'il a évité aux pamiris de souffrir de la famine pendant la guerre civile. Il finance actuellement beaucoup de projets de santé et d'éducation et nous verrons beaucoup de ces institutions tout au long de la route entre Langar et la sortie du Pamir. 


Dans la vallée, tout le monde était aux champs, des plus âgés aux plus petits
Dans la vallée, tout le monde était aux champs, des plus âgés aux plus petits
Sanctuaire ismaelite
Sanctuaire ismaelite

Après Langar, on a un peu moins apprécié la route, bien que jolie. Une succession de paysages désertiques puis de villages verdoyants. On était peut-être un peu trop fatigués, mais on a trouvé cette partie longue et surtout assez peu différente de la route qui nous attendait après Khorog. La fatigue accumulée a fait que l'on supportait beaucoup moins de se faire secouer par la piste, que les journées semblaient longues, sans trop de spot sympa pour s'arrêter et que l'on avait surtout hâte d'arriver enfin à Khorog. 

Entre Khorog et Kalaikhum, on a, à l'inverse beaucoup apprécié la route, souvent creusée dans la falaise, et continuant de longer l'Afghanistan. Souvent la route s'elargissait pour offrir de superbes endroits où s'arrêter à l'ombre, une petite plage au bord du Pyanj ou une prairie verdoyante. On y a aussi fait beaucoup de belles rencontres et une fois de plus avons été touchés par la générosité des habitants. Il suffisait que l'on s'arrête à peine, faire une pause à l'ombre d'un arbre, pour que quelqu'un nous apporte des sacs entiers de fruits, de légumes, de pain ou amène tout simplement le plateau avec le chaï.

On a aussi été invités dans la famille de Marina, partager le repas, danser et parler des heures sans connaître pourtant beaucoup de mots en commun.

Dans le Wakhan, pousser, encore pousser...
Dans le Wakhan, pousser, encore pousser...
Route creusée dans la falaise entre Khorog et Kalaikhum
Route creusée dans la falaise entre Khorog et Kalaikhum
Côté afghan, on construisait aussi la route dans la falaise, au burin et à la dynamite. Combien de temps faudra-t-il pour achever un travail de cette envergure ??
Côté afghan, on construisait aussi la route dans la falaise, au burin et à la dynamite. Combien de temps faudra-t-il pour achever un travail de cette envergure ??
Avec Marina
Avec Marina
Petits cadeaux adorables sur le bord de la route
Petits cadeaux adorables sur le bord de la route

Une nuit alors qu'on avait posé notre tente comme d'habitude au bord de la route, mais peut-être un peu plus découverts, nous sommes tirés du sommeil par un groupe de militaires tadjiks, toutes mitraillettes sorties. Ils voulaient uniquement savoir qui campait là, si proche de l'Afghanistan et de cette frontière assez perméable à la drogue. Pour autant discuter en pleine nuit face aux mitraillettes fait son petit effet !


À Kalaikhum, on a bien mangé mais on n'est pas restés non plus à l'hôtel, préférant camper un peu plus loin. On était redescendus à 1000m d'altitude, il faisait doux, on a dormi à la belle étoile près d'une rivière. 

Papis afghans, ils nous faisaient coucou depuis l'autre rive.
Papis afghans, ils nous faisaient coucou depuis l'autre rive.
Autre vue de l'Afghanistan..
Autre vue de l'Afghanistan..
Village afghan
Village afghan

À Kalaikhum, c'est presque la fin du Pamir. Cette fois encore il fallait choisir entre deux routes, aux profils bien différents. La route du Sud, en super état mais avec beaucoup de trafic. Ou la route du Nord, en très mauvais état, avec un énorme col au milieu, mais du coup aucune circulation. Nous, on passait notre temps à se dire qu'on irait toujours au plus facile, mais finalement on a choisi la route nord, plus calme et plus sauvage. La réaction des tadjiks quand tu dis que tu vas prendre cette route ? "oooooooh nooooooooo" Ambiance.


Il nous restait donc un gros col pour sortir du massif des Pamirs, et pas des moindres. Le Khaburabot Pass c'est 2000m de dénivelé sur moins de 30km, autant dire que ça grimpe

Les tadjiks ne ressemblent pas du tout aux kirghizes !
Les tadjiks ne ressemblent pas du tout aux kirghizes !
Écolières. Les enfants ne vont pas tous en même temps à l'école. La journée est divisée en tranches d'âge. Ce qui explique pourquoi il y a toujours plein d'enfants partout ! Au Tadjikistan presque la moitié de la population a moins de 14ans.
Écolières. Les enfants ne vont pas tous en même temps à l'école. La journée est divisée en tranches d'âge. Ce qui explique pourquoi il y a toujours plein d'enfants partout ! Au Tadjikistan presque la moitié de la population a moins de 14ans.

La route du Nord et le Khaburabot Pass

Alors, comment ça se passe 2000m de dénivelés sur une piste dans un état désastreux ? C'est simple, ça passe, mais lentement..

La route était vraiment belle et effectivement absolument déserte. On progressait plutôt bien malgré le soleil écrasant.


Par contre, on ne vous a pas encore expliqué comment on se débrouille pour l'eau dans ces endroits désertiques, souvent loin de toute habitation pour plusieurs jours. En fait ça n'a jamais été un problème, il y a des sources ou des ruisseaux dévalant les montagnes absolument partout. L'eau est très claire et on n'a jamais eu besoin de filtre (tant mieux, on a laissé le notre en France !). Au début, on n'était pas trop rassurés de la boire comme ça et on la traitait au micropur. Et puis rapidement on s'est mis à la boire non traitée, surtout parce que le micropur commençait à manquer. Voyant que cette eau ne nous rendait pas malades nous n'avons donc pas racheté de micropur et n'avons jamais acheté une seule bouteille d'eau minérale de toute la traversée du Pamir. 

Pour ce dernier col nous n'étions pas plus inquiets car ces montagnes n'étaient pas habitées, donc pas souillées par de possibles activités humaines. On buvait donc (avec bonheur !) à chaque pause, cette eau fraîche. On n'aurait pas cru que l'eau pouvait rendre si heureux ! 


Et puis, alors qu'on continue à remonter les lacets, nous commençons tous les deux à nous sentir vraiment moins bien. Pour une fois impossible d'incriminer la nourriture, nous n'avions mangé que sur le réchaud dernièrement.. Et là, au détour d'un lacet, nous tombons avec surprise sur un troupeau de vaches, tout autour de la rivière dont nous buvions l'eau depuis la veille. Le vacher avait du les mener en altitude pour fuir la chaleur. Leurs bouses sont tout autour.. D'un coup, le stress, bon on va donc finir avec des amibes, la giardiase ou autre parasitose ! Le soir on était malades, façon Sary Tash. Diarrhée, courbatures et fièvre. Et sur cette route il n'y avait vraiment personne. On est restés là deux nuits, sous la tente, à attendre d'aller mieux. Lorsqu'on est repartis, on ne se sentait pas franchement d'attaque, mais il ne nous restait plus que 7 km avant le col. Et surtout on s'inquiétait de rester là, sans manger et à boire l'eau qui nous avait rendu malades. Même si on la faisait alors bouillir, on était devenus complètement paranos. On a donc décidé de repartir, en poussant sur les 7 km, pour économiser nos forces.


Arrivés au sommet, on était vraiment fatigués, mais c'était le dernier col du Pamir, celui qui nous faisait sortir définitivement de cette région et retrouver les villes. On était quand même contents d'être venus à bout du Pamir , à vélo, alors qu'on était loin d'être sûrs de pouvoir le faire.

Premiers lacets, on n'avait encore rien vu, on n'était même pas à la moitié !
Premiers lacets, on n'avait encore rien vu, on n'était même pas à la moitié !
Mais la route était magnifique et que pour nous !
Mais la route était magnifique et que pour nous !
Arrivés au sommet. On a quand même pris une photo souvenir pour le dernier col du Pamir, mais on n'était vraiment pas au top !
Arrivés au sommet. On a quand même pris une photo souvenir pour le dernier col du Pamir, mais on n'était vraiment pas au top !

Et puis la descente a pris le relais, on a pu souffler un peu, un routier nous a offert des pommes et de l'eau fraîche, tout de suite ça allait mieux.

On a fini par arriver à un contrôle militaire, comme il y en a beaucoup dans le Pamir. Les militaires étaient hyper sympas et bien contents de voir arriver de la distraction. Ils nous ont offert du plov et du chaï, on a bien rigolé, on s'est chamaillés,  on a échangé nos montures respectives. Ça les faisait tous rire de voir la fille qui ne veut pas manger de mouton monter sur leur cheval. On s'est quittés en se faisant exploser au bras de fer.


C'était une façon vraiment chouette de quitter le Pamir.

Je crois que je préfère quand même mon vélo !
Je crois que je préfère quand même mon vélo !
Lui par contre il a adoré ! On ne l'arrêtait plus ! Il a fini la montée en s'auto déclarant Arnold Schwarzenegger!
Lui par contre il a adoré ! On ne l'arrêtait plus ! Il a fini la montée en s'auto déclarant Arnold Schwarzenegger!


Pour conclure, le Pamir c'était 1200km de route pour presque 15 000 de dénivelé positif cumulé. 

On se souviendra de cette sensation d'être tout petits, seuls au monde. 

Ce qui a été le plus dur pour nous, ça n'étonnera personne, ce n'était ni les dénivelés, ni le froid, ni la mauvaise route, ni même la bouffe sommaire et peu abondante, mais vraiment le vent. 

Ces difficultés ont toujours été compensées par la beauté des paysages, et surtout la beauté des rencontres. On a trouvé les pamiris et les tadjiks incroyablement généreux, doux, souvent malicieux, toujours adorables. 


C'était haut, beau, éprouvant et grandiose. On est contents et fiers d'y avoir été à vélo. Un moment fort de notre voyage, que l'on attendait et qui nous a beaucoup marqués. Le Tadjikistan, un vrai coup de cœur partagé. 


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