INDE - KARNATAKA & TAMIL NADU


Ici, on passe de parcs nationaux en réserves protégées. C'est la jungle ou la forêt mais c'est toujours vert, chaud et humide. Des collines ou des montagnes, couvertes de jungle, sur des kilomètres. C'est le royaume des singes, des tarentules, des éléphants et des tigres. Entre les réserves, on trouve à perte de vue des plantations de thé, de bananiers, de café ou de poivre. Dans les réserves, on trouve des indiens dans des jeeps qui font des safaris dans l'espoir de voir un tigre. Et nous, sur nos vélo, qui espérons bien ne pas en croiser un ! 

Depuis la réserve de Anamalai, qui nous faisait entrer dans le Tamil Nadu, et où on se foutait bien des gardiens du parc, on a un peu réactualisé nos connaissances en matière de tigres. Il y en a à peu près 3500 dans la région et une grosse partie vit dans la réserve de Mudumalai, que l'on va bientôt traverser. À cause de la déforestation en Inde, tigres, éléphants et humains se retrouvent beaucoup moins séparés par la jungle qu'auparavant. Triste conséquence, pour se défendre les tigres ou éléphants sauvages tuent une personne par jour dans le pays. Les humains, on s'en doute, sont bien loin d'être en reste. Le braconnage est légion dans le coin, malgré les efforts du gouvernement pour protéger la faune sauvage. Des tigres sont souvent retrouvés empoisonnés. De moins en moins d'éléphants vivent à l'état sauvage.. 


Et nous sur nos vélos, on a bien révisé le petit manuel de survie à une attaque de tigre. On a appris qu'il faisait entre 250 et 350 kilos. On a visionné des vidéos très enthousiasmantes. (faites vous plaisir, ce serait dommage de manquer ça :https://youtu.be/M4t0aeTX954) 

Et pour une fois, on a évité de trop prendre les pistes. 


On parle des grosses bêtes mais on a surtout eu à partager les lieux avec les petites bêtes. Dans nos chambres, on a trouvé des geckos, des rats, des crapauds, des cafards, des moustiques et des araignées de la taille d'une main. 

Vers Ooty via le toy train

On s'était bien fait les pattes pour monter à Munnar et on a tout redescendu pour arriver dans le Tamil Nadu, via la réserve Anamalai.  Après deux jours de campagne toute plate, une nouvelle grosse bosse nous attend, et tout en haut Udhadamandalam, Ooty pour les intimes. 40km avant Ooty il y a un petit train, le toy train, au patrimoine mondial de l'unesco. Il est tout petit et tout bleu, c'est vrai qu'il ressemble à un jouet, et il monte à Ooty, poussé par une locomotive à vapeur, en passant par des petits ponts branlants au dessus de la forêt.. On ne pouvait pas manquer ça ! (et en plus ça nous économisait une montée de plus haha pas fous !)


On a chargé assez facilement les vélos dans un wagon spécial pour le transport (après avoir quand même rempli une dizaine de formulaires différents... pour la même chose)


Le petit train prend la matinée entière pour parcourir, à grand renfort de vapeur, les 40km qui mènent à Ooty. Arrivés en haut, on retrouve les plantations de thé, la fraîcheur et la route qui monte !! 

Dans le toy train, pas bien réveillée quand même..
Dans le toy train, pas bien réveillée quand même..
Une grand mère adorable, qu'on a rencontrée dans les environs de Ooty
Une grand mère adorable, qu'on a rencontrée dans les environs de Ooty
Dans les environs de Ooty, on ne se croirait plus en Inde !
Dans les environs de Ooty, on ne se croirait plus en Inde !
On retrouve les plantations de thé
On retrouve les plantations de thé

Après Ooty, la route alterne entre montées et descentes. Et ce n'est que le début ! On doit continuer les montagnes russes jusqu'à revenir sur la côte. Heureusement, il fait plus frais, mais on arrive invariablement sale, trempés de sueur et crasseux à destination. Depuis le début du voyage, on n'a jamais eu ce luxe, que l'on a en Inde : se laver tous les jours ! On se réhabitue vite au confort ! Un confort tout relatif, la douche dans les lodges c'est un baquet d'eau froide, mais après une journée de vélo à pendre la langue dans les montées, ce seau d'eau est presque la plus belle chose de la journée ! 

En Inde, plus que dans tous les pays traversés précédemment, chaque journée a sa récompense, une bonne bouffe, une bière fraîche, une douche, un lit sans même avoir besoin de monter et démonter la tente ! On n'avait jamais eu tout ça en même temps depuis notre départ ! Et on a même acheté une moustiquaire. Alors les chambres pleines de moustiques, d'araignées et de cafards, on n'en a plus rien à foutre ! 

Le genre de chambre qu'on peut avoir dans les palaces ou les lodges
Le genre de chambre qu'on peut avoir dans les palaces ou les lodges

Pour traverser le Tamil Nadu et le Karnataka, on a du bien réfléchir à l'itinéraire pour éviter les grands axes routiers et les villes chaotiques. On a choisi la voie de la jungle, en considérant que statistiquement, on avait beaucoup plus de chances de mourir écrasés par un indien fou à bord de son camion, que dévorés par un tigre ! 


Et on ne regrette pas, ça sent la forêt, la verdure, la chlorophylle. Les singes sont là à chaque virage, posés au milieu de la route et s'enfuient à grands cris à chaque fois qu'ils nous voient arriver ! Ce ne sont pas des singes des villes, ils ne se laissent pas facilement approcher. Mais à mesure que l'on avance, on les entend crier autour de nous, sauter de branches en branches ou dévaler les lianes.


On traverse les réserves de Bandipur, Mudumalai, Tholpetty, et d'autres dont on a oublié les noms. À chaque fois c'est le même schéma, on arrive à l'entrée, on passe vite et sans demander notre reste devant la cahutte des gardiens de la réserve parce qu'on n'a pas envie qu'ils nous demandent de faire le grand détour pour contourner la réserve et ensuite on plonge dans un océan vert où résonnent les cris des animaux et où nos yeux sont à l'affût. On a vu des phacochères, des singes, des daims et des cerfs, au hasard de la route. Mais pas les stars de la jungle, ni éléphants (dommage), ni tigres (tant mieux !) 

Les cahuttes de police à l'entrée des réserves. En cas de besoin, on a même leur WhatsApp !
Les cahuttes de police à l'entrée des réserves. En cas de besoin, on a même leur WhatsApp !
On n'est pas encore sortis de la jungle... Nous on va en face !
On n'est pas encore sortis de la jungle... Nous on va en face !

Parfois on est un peu juste niveau timing, et dans la jungle, tout de suite ça passe moins bien. Un jour, on ne trouve pas la petite route qui coupe tout droit vers notre point final, une ville de taille assez moyenne pour qu'on y trouve un lodge. On se retrouve donc à devoir faire plus de kilomètres que prévu. Pas de chance, la route grimpe comme c'est pas permis, puis est en travaux, est déviée, et finit par alterner entre graviers et terre bien collante. La nuit tombe, on n'y voit de moins en moins, des nuées d'insectes nous tournent autour et nous rentrent dans les yeux et la bouche. On finit par sortir de là et revenir sur une route asphaltée avec des villages, mais la nuit est déjà complètement tombée. Par contre les indiens, rien ne les étonne, rien ne leur paraît inhabituel. Ils voient deux blancs sortir de la jungle de nuit, à vélo et sans lumière et la seule chose qu'on te demande c'est un selfie.(....) 


À ce moment là, on n'était pas vraiment tirés d'affaire, il nous restait une dizaine de kilomètres pour arriver à notre lodge. Et il faisait nuit noire, sur une route assez fréquentée et sans le moindre éclairage. On roule avec nos lampes frontales, pas vraiment suffisant pour éviter les trous sur la chaussée, ni pour voir les vaches sacrées traverser avant le dernier moment. Quand on rajoute à ça les camions remplis d'ouvriers qui rentrent en ville et les scooters qui nous frôlent dans un vacarme de klaxons (le bruit sans l'image, le stress), ça donne une arrivée en piteux état à la ville tant attendue ! Une journée pareille, sur des routes de montagne, puis dans la jungle et enfin sur une route à l'indienne de nuit, ça laisse des traces. Le lendemain, grosse journée de repos, on ne bouge pas de l'hôtel ! 

Les photos écrasent toujours les pentes, mais celle-ci elle montait comme jamais !
Les photos écrasent toujours les pentes, mais celle-ci elle montait comme jamais !
L'injustice de la vie.. On n'en peut plus de monter pour redescendre tout de suite après... Tout ce travail pour rien !
L'injustice de la vie.. On n'en peut plus de monter pour redescendre tout de suite après... Tout ce travail pour rien !
Gros stress quand la nuit tombe, que t'es perdu dans la jungle et qu'en plus c'est de la piste...
Gros stress quand la nuit tombe, que t'es perdu dans la jungle et qu'en plus c'est de la piste...

De la jungle à la jungle urbaine

Entre les réserves et la jungle, parfois on traverse des zones urbaines qui poussent comme des tentacules et rongent la végétation. On arrive alors sur les grandes voies, il y a du trafic, des klaxons, ça pue les poubelles qui s'entassent, les caniveaux qui pourrissent et le plastique qui crame.

La gestion des déchets, la déforestation et l'urbanisation galopante sont de nombreux problèmes auxquels l'Inde, en super développement économique (7e puissance mondiale en 2018), va devoir faire face. Pour le moment, le plastique s'entasse au bord des routes, dans les lacs et les rivières. Les vaches sacrées qui font les poubelles en mangent à longueur de journée. Et sinon ça crame, toute la journée, encrassant l'air de fumées noires puantes. En 2017, le pays a connu un pic exceptionnel de pollution, le taux de particules dans l'air était alors 40 fois supérieur au taux maximum recommandé par L'OMS. Le plastique est arrivé comme un véritable boom en Inde, inondant les villes et les campagnes. Les gens n'ont pas changé leurs habitudes et ont continué à jeter les déchets au sol, comme ils l'ont fait pendant des siècles avec les matières organiques qui redevenaient de la terre ou nourrissaient les animaux (beaucoup d'assiettes sont encore en feuilles de bananier ou en terre cuite).


Dans ces jungles urbaines, le bruit est omniprésent et semble ne déranger personne. Concert de klaxons à 110dB, télé à fond dans les hôtels malgré les murs en carton, conversations à plein volume au milieu de la nuit, et symphonie de rots, crachats et raclements de glaires dès 5h du mat. On est bientôt sourds nous aussi, on se dit que c'est ça la solution pour vivre ici.

Vous avez de la chance de n'avoir que l'image !
Vous avez de la chance de n'avoir que l'image !

Des usagers de la route

On n'avait pas encore commencé à rouler que déjà Ravi nous apportait un début d'explication au problème. Son permis de conduire il a été le demander aux flics du coin, tu payes et tu repars avec, sans la moindre vérification de tes habilités à conduire ou ta connaissance d'un minimum de règles de sécurité pour épargner ta vie ou celle des autres. D'ailleurs tu peux même envoyer un pote te chercher ton permis si tu ne veux pas te déplacer. 


Il suffit d'apprendre sur le tas et là, on a bien compris nous aussi, il y a deux règles majeures à enregistrer : la première c'est que le plus gros a toujours la priorité. Les chiens se poussent devant les piétons qui se poussent devant les vélos qui se poussent devant les motos qui se poussent devant les voitures qui se poussent devant les bus, eux mêmes se poussant parfois (mais faut vraiment y aller) devant les gros camion Tata.

La deuxième, c'est que si tu ne veux pas qu'on te déboîte dessus, il faut avertir de ta présence, en klaxonnant donc. Et tout le monde klaxonne. Tout le temps. C'est presque devenu un toc chez certains, il n'y a personne sur la route, mais ils passent en klaxonnant comme des malades, sans interruption. 


Sinon, la route appartient à tout le monde. Et ce, beaucoup plus qu'ailleurs. Les animaux, les charrettes, les vélos qui n'avancent pas ou les camions de quinze tonnes se partagent la chaussée avec une aisance impressionnante. Parfois ça passe au millimètre, mais ça passe. Sauf si tu conduis un bus, là par contre, tout le monde doit se pousser, et vite. Car le bus passe, à fond, sous un flot de klaxons, et sans se soucier de si ce petit monde avait eu le temps de s'écarter.

Et sauf enfin, si tu es une vache sacrée, et là priorité absolue. Tu peux même décider de te poser au milieu de la route et taper ta sieste là une heure ou deux. 

Très rassurant.. Vu sur la fenêtre d'un bus
Très rassurant.. Vu sur la fenêtre d'un bus

Des indiens et des hindous

La diversité de cultes et de religions est quelque chose d'incroyable en Inde. Tous les indiens ne sont pas hindous, et de loin (surtout dans le Sud). On trouve des hindous, des musulmans, des chrétiens, des jaïns ou des bouddhistes. Selon les villages, les mosquées jalonnent les routes, puis les temples hindous, puis les églises. Et tous avec de gros haut parleurs, pour qu'on ne puisse pas en rater une miette ! Quand on rencontre quelqu'un, on  nous demande notre religion aussi vite qu'on dirait par chez nous "tu fais quoi dans la vie ?"


Qu'ils parlent à Jésus, Vishnu ou Allah, les indiens nous étonnent par leur sixième sens à toute épreuve. On ne peut pas s'arrêter à un croisement sans que quelqu'un nous indique la direction (et la bonne) sans que l'on ne demande rien ni n'indique notre destination. Où que l'on soit, on commence à peine à chercher quelque chose que quelqu'un nous l'a déjà indiqué. On sait bien que cela tient surtout à une déduction liée au contexte et à un sens extrêmement développé de l'observation (parfois même trop développé) Mais quand même, ça nous impressionne toujours.


Pour ce qui est de l'observation, c'est généralement très peu discret. Les indiens sont très curieux et lorsqu'on parle de regarder c'est vraiment fixer, très longtemps, et sans détourner le regard à aucun moment. 


Par contre, on arrive presque à comprendre et même à communiquer avec les dodelinements de tête. À savoir que majoritairement, à toute question posée, on nous répondra par un hochement de tête, sans un mot qui pourrait préciser les choses et aider la compréhension, tel que "oui" ou "non". Ce mouvement ressemble pour nous à un "non" mais ça veut souvent dire "oui" parfois "oui mais si t'es prêt à attendre"  parfois "je ne sais pas" et parfois "hey salut ça va". Au bout d'un moment, on commence à percevoir les subtilités entre tous ces hochements de tête et on réalise à quel point la communication non verbale est riche ici. 

La beauté des petites routes indiennes ne cesse de nous étonner, toujours des guirlandes, des fanions, des drapeaux...
La beauté des petites routes indiennes ne cesse de nous étonner, toujours des guirlandes, des fanions, des drapeaux...
Une épicerie comme toutes les épiceries ici
Une épicerie comme toutes les épiceries ici
Stand de fruits et légumes
Stand de fruits et légumes
La sortie de l'école (+en face la devanture d'un lodge. Oui, nous aussi quand on entend lodge, on imagine une suite parfaitement isolée dans la végétation et avec une superbe vue..)
La sortie de l'école (+en face la devanture d'un lodge. Oui, nous aussi quand on entend lodge, on imagine une suite parfaitement isolée dans la végétation et avec une superbe vue..)
Par hasard, on est entrés dans une usine qui fabriquait des vêtements de marque, direction l'Europe
Par hasard, on est entrés dans une usine qui fabriquait des vêtements de marque, direction l'Europe
Un magasin de douceurs, au miel et frites dans le bain d'huile
Un magasin de douceurs, au miel et frites dans le bain d'huile
On mange encore sur des feuilles de bananier, mais de moins en moins souvent, retour des plateaux repas en inox !
On mange encore sur des feuilles de bananier, mais de moins en moins souvent, retour des plateaux repas en inox !
Jus de canne à sucre
Jus de canne à sucre
Un stand à beignets au bord de la route
Un stand à beignets au bord de la route
Là on aurait bien pris en photo ce qu'on avait à manger mais on avait trop faim !
Là on aurait bien pris en photo ce qu'on avait à manger mais on avait trop faim !
Séance d'EPS, au programme arts martiaux !
Séance d'EPS, au programme arts martiaux !
Quand on est crevés et qu'on arrive quelque part, on ne se fatigue plus à faire du porte à porte. On appelle directement les lodges pour savoir les prix et s'il y a de la place ! C'est beau d'avoir une sim indienne ! (avec même la 3G dans la jungle !)
Quand on est crevés et qu'on arrive quelque part, on ne se fatigue plus à faire du porte à porte. On appelle directement les lodges pour savoir les prix et s'il y a de la place ! C'est beau d'avoir une sim indienne ! (avec même la 3G dans la jungle !)

Cap sur la côte

On finit par rejoindre la côte, finies les montées mais on retrouve la nationale bien fréquentée, et en travaux. On devient sourds en fin de journée et les klaxons nous résonnent dans la tête. Ça sent le poisson pourri un peu partout car il est mis à sécher au soleil. On arrive enfin à Gokarna, ville espérée depuis plusieurs jours, car qui dit lieu touristique dit quand même.. pizzas, veg burgers, frites, wifi et pintes ! On y reste trois jours, dans une hutte, perchée dans la forêt, à 150 roupies la nuit (2euros, on ne peut pas faire moins cher) Pour ce prix là, on n'a pas d'électricité, on doit marcher 10 minutes pour se laver et on partage les lieux avec plein de petites bestioles de la forêt. Après trois jours de glande extrême, on part en direction de Goa, ses plages paradisiaques et sa mafia russe ! 

La mer n'est plus très loin
La mer n'est plus très loin
Un énorme temple sur l'eau et la deuxième plus grande statue de Shiva au monde !
Un énorme temple sur l'eau et la deuxième plus grande statue de Shiva au monde !
La mer ! On se croirait presque à Deauville..!
La mer ! On se croirait presque à Deauville..!

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